Inflation : complaisance interdite !

Publié le
28 février 2023
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L’attente d’un retour durable de l’inflation vers 2,5% est une douce utopie. La décarbonisation et la modification de notre rapport au travail affaiblissent l’offre et favorisent l’inflation : un authentique challenge pour les Banques centrales. Cette résilience de l’inflation et le retour induit du cycle économique créent des opportunités multiples pour l’investisseur actif.

Le recul de l’inflation aux Etats-Unis depuis juin dernier a donné des ailes aux marchés d’actions ces derniers mois. Les anticipations d’inflation, telles que déduites du prix des obligations indexées sur l’inflation, induisent un retour vers 2,5% dès juin prochain, puis une stabilisation au cours des années suivantes. Cette perspective serait celle d’un retour durable au contexte de marchés de la décennie 2010, avec des rendements nets corrigés de l’inflation largement favorables aux actifs financiers et immobiliers et facilement captés par les gestions passives. Pour notre part, nous n’anticipons pas un tel scénario.

Les économies développées entrent dans une phase inflationniste du cycle économique de long terme, où l’offre ne parvient pas toujours à suivre la demande. La succession rapide de périodes de croissance inflationniste, poussées par les forces structurelles, et de ralentissement désinflationniste, orchestrées par les Banques centrales, recrée une cyclicité conjoncturelle défavorable aux gestions passives au profit de gestions plus mobiles et de thématiques ayant souffert de la disparition du cycle.

Des facteurs de nature à contraindre l’offre de biens et de services

Au-delà des facteurs structurels, comme la démographie ou le moindre dynamisme du commerce mondial, l’inflation se nourrit de deux autres facteurs : la décarbonisation des économies et l’évolution du rapport au travail.

La décarbonisation des économies conduit à une baisse drastique des investissements dans les énergies fossiles, donc à la baisse structurelle des réserves et à un renchérissement des prix énergétiques. Au cours des dix dernières années, plusieurs milliers de milliards de dollars ont été investis en faveur de la transition énergétique et pourtant la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique mondial n’a baissé que d’un peu plus d’1 point, à 81%. Cette situation recèle les ingrédients d'une crise énergétique du même ordre que celle qui a contribué à la dernière grande période inflationniste, de 1965 à 1980, alimentée par le choc pétrolier de 1973. L’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) considère – sans surprise - qu’il faudrait investir 1.500 milliards de dollars dans le développement des énergies fossiles chaque année jusqu’en 2045, contre 1.000 milliards aujourd’hui pour garantir la sécurité énergétique. La vérité est probablement quelque part entre ces deux chiffres, mais ne laissons pas l’arbre de la guerre en Ukraine nous cacher la forêt du déficit énergétique structurel que nous creusons.

Mais où est passée la main d’œuvre ?

Simultanément, la modification profonde du rapport au travail qui conduit à moins d’heures travaillées, à moins de travailleurs et à une mobilité très forte de la main d’œuvre, donc à une déperdition de productivité, risque fort de mener à un défaut d’offre durable. Les entreprises ne parviennent pas à recruter pour faire face à la demande qui leur est adressée. Il est donc naturel que des augmentations de salaires emblématiques apparaissent. A titre d’exemple, Inditex (propriétaire de Zara) et Uniqlo ont procédé à des augmentations salariales de 20% à 40%.

Le ralentissement lié à une offre défaillante est inflationniste, rendant le maniement de l’arme monétaire par les banques centrales plus compliqué. Ainsi, la série de hausses des taux directeurs décidée par la Réserve fédérale, d’une ampleur et d’une vitesse jamais vues auparavant (475 points de base en 10 mois), est paradoxalement accompagnée par un taux de chômage américain au plus bas depuis 1969.

La bataille contre l’inflation sera vraisemblablement gagnée à court terme par quelques hausses de taux supplémentaires. Elles déclencheront probablement la récession nécessaire au reflux des prix, en affaiblissant la consommation, mais sans régler le déficit d’offre. La moindre disponibilité de la main d’œuvre et le renchérissement des prix énergétiques ne trouveront dans les politiques monétaires et budgétaires qu’une résistance sporadique, tant le seuil d’acceptation de la douleur dans les pays économiquement avancés s’est abaissé. Les récessions organisées par ces politiques pour réduire l’inflation seront donc brèves et peu profondes ; insuffisantes pour terrasser durablement l’inflation.

Ne craignons pas l’inflation ; les opportunités qu’elle crée sont si nombreuses !

L’aptitude de notre gestion obligataire à tirer parti des rendements des dettes publiques et privées dans un environnement de taux plus élevés, à détecter dans l’univers émergent les situations asymétriques ou à gérer l’exposition aux taux d’intérêt est un atout majeur dans ce contexte économique.

La faiblesse attendue des taux réels devrait offrir un soutien aux marchés d’actions. Cette perspective justifie aussi une exposition notable à l’or. Quant à la Chine, l’absence d’inflation à ce stade lui confère un statut très diversifiant.

Introduire un biais inflationniste dans notre gestion permet de tirer le meilleur parti des opportunités nombreuses qu’offrira la cyclicité économique, tout en apportant de la diversification. N’ayons pas peur de l’inflation, faisons d’elle notre alliée !

Glossaire

Obligations indexées sur l’inflation : émissions obligataires dont l’évolution du paiement des intérêts (le coupon) et de la valeur de remboursement (le capital) dépendent de l’évolution de l’inflation. Energies fossiles : énergies issues de la combustion de pétrole, de gaz naturel ou de charbon. Productivité : rapport entre une production de biens ou de services et les ressources (travail et capital) mises en œuvre pour l'obtenir.

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